A bons porcs
C’est dans le département des Vosges que l’éleveur de porcs Christian Poirot poursuit, depuis 1980, une quête pour plus de qualité, de localité et de naturalité.
Au départ, il y a une opportunité. Celle du lactosérum, un résidu liquide issu de la coagulation du lait, le « petit lait » comme l’appellent les fromagers. Et dans les Vosges, où Christian Poirot et son père se sont installés en 1980 pour créer le GAEC du Billot, nombreux sont les producteurs d’Emmental qui donnent alors gracieusement ce sérum riche en minéraux pour l’alimentation des cochons. « C’est comme cela que nous avons commencé l’élevage de porcs. Avant, nous étions producteurs de lait, mais les débouchés s’amenuisaient ». Pour survivre quand on est agriculteur, il vaut mieux savoir s’adapter et évoluer, avec bon sens et conscience de son environnement proche. Voilà une sagesse que Christian Poirot n’a cessé d’appliquer à son parcours, tout en gardant un œil attentif au « bien-être animal ».
Si son élevage est installé sur paille, il récupère par exemple de la sciure auprès d’une scierie du coin pour accueillir les porcelets qui viennent d’être sevrés : « Ils sont sur 60 centimètres de sciure, ça chauffe, alors ils sont bien ». En 2003, quand le prix du porc devient moins attractif, il décide d’ouvrir un atelier de transformation. C’est son fils qui tient la boutique, où sont vendus des produits issus de son exploitation, ainsi que d’autres produits locaux. Quelques remous personnels viendront mettre fin à cette aventure, sept ans plus tard. Mais Christian Poirot trouve d’autres débouchés, notamment grâce à la société Viande 52, spécialisée dans la vente en gros de viandes de boucherie, qu’il rencontre « en amenant {lui}-même {ses} animaux à l’abattoir ». Quand le prix du porc baisse encore, en 2014, ce sont eux qui le dirigent vers Bleu-Blanc-Cœur. Il faudra six mois d’étude pour mettre au point une ration complémentaire, correspondant aux cahiers des ressources de l’association, mais l’homme constate rapidement « une différence sur l’élevage ». Ses porcs mangent mieux, digèrent mieux, se portent mieux. Très attaché aux circuits locaux, Christian Poirot se réjouit de savoir que le lin qui nourrit ses bêtes a poussé en Normandie. « C’est mieux qu’avec le soja, qui est importé de l’autre bout du monde, et dont les filières françaises sont encore trop fragiles ». Lui aimerait pouvoir se passer prochainement du soja importé qu’il utilise encore pour nourrir ses porcelets, entre 8 et 25 kilos.
À 62 ans, s’il espère que l’un de ses quatre enfants marchera prochainement dans ses pas, il « joue encore le jeu ». Alors quand « des collègues » lui proposent d’ouvrir ensemble un magasin de producteurs, il dit « banco ». Esprit Paysan voit le jour à Contrexéville, en décembre 2019. Une activité qui lui permet d’être en contact direct avec des producteurs et des consommateurs. « Bleu-Blanc-Cœur, ça interpelle les gens, c’est agréable de pouvoir leur expliquer la démarche ». Pendant le confinement, ils étaient plus nombreux à pousser les portes du magasin. « Ils avaient le temps, ils étaient attentifs à ce qu’ils mangeaient ». Alors, et même s’il n’est pas toujours aisé de valoriser ses produits, Christian Poirot, lui, n’a pas dit son dernier mot.